AddInto

 

2010-01-21 22:56:15

Port au Prince, le 20 janvier 2010: Témoignage troublant de Jonathan Boulet-Groulx. «J’ai un malaise quand je marche dans les rues de Port-au-Prince et que je n’y vois pas un seul handicapé. Est-ce possible, vraiment, que dans un pays où l’on estime à 10% de la population le nombre de personnes handicapées, nous n’arrivions pas à en voir ne serait-ce que quelques unes rôder dans les rues, à la recherche d’eau ou de nourriture?»

Jonathan multiplie les «peut-être», il n'affirme rien catégoriquement quand il commente sa propre observation. Ce ne serait pas la première fois hélas! qu'à l'occasion d'une catastrophe les personnes les plus vulnérables soient les premières victimes. Dans un communiqué émis en novembre 2008, au sommet de la crise financière, le Forum européen des personnes handicapées demandait aux autorités politiques du vieux continent d'éviter d'imposer aux plus vulnérables une part démesurée du sacrifice collectif. «Il est depuis longtemps d’usage que les personnes handicapées sont les dernières à être engagées et les premières à être licenciées. La dégradation de la situation économique a déjà conduit plusieurs pays à vouloir supprimer des avantages acquis, comme en Irlande, en Hongrie, en Suède et en Italie.»

Tant qu'on considérera les personnes les plus vulnérables comme un fardeau pour les sociétés plutôt que comme des ferments de sociabilité, on aura tendance à en faire des boucs émissaires en période de crise. Tout changera quand on aura enfin compris qu'elles accroissent le capital social, que le capital social, comme le capital naturel, sont des fins par rapport auxquelles le capital financier n'est qu'un moyen, qu'en veillant sur ces fins dans les temps difficiles, la société veille sur elle-même et accroît sa résilience, c'est-à-dire son aptitude à relever les grands défis.

Retour à Haïti: Le 15 septembre 2009, Frank Joly écrivait sur le site de Handicap international: « Il existe peu de services ou d'associations locales dédiés aux personnes handicapées, l'arrivée de Handicap International (après les inondations de 2008) et la mise en œuvre de notre projet fut donc très bien accueillie par la population, très reconnaissante, en particulier les personnes handicapées. Le pays est très pauvre, régulièrement affecté par des catastrophes naturelles, quand ce ne sont pas des troubles politiques qui viennent s'y ajouter. Les structures gouvernementales sont très peu développées. Il y a pourtant depuis deux ans un Secrétariat d'État à l'intégration des personnes handicapées, mais il ne dispose pas de suffisamment de moyens d'actions.»

Dans les médias, suite au tremblement de terre, il n’a pas été souvent question de ce secrétariat, ni du sort des personnes handicapées. Ce qui justifie l'inquiétude de Jonathan. Certes, le mouvement Handicap international est de plus en plus présent en Haïti ; certes, plusieurs autres organismes, tels Oxfam, Caritas Haïti, L'Arche sont présents là-bas et sensibles au sort des plus vulnérables, mais il y a tant d'autres urgences qu'on a sans doute raison de craindre le pire pour eux.

J'entends la voix tonique et chtonique de l'écrivain Danny Laferrière: la vie continue, il n'y a pas de malédictions sur Haïti. Ce n'est pas le moment de soustraire ce pays à des responsabilités universelles. Au nom de la commune humanité, il faut au contraire tout mettre en oeuvre pour que le sort des plus vulnérables soit placé au sommet de la liste des besoins à satisfaire dans la reconstruction. La catastrophe aura eu pour effet de multiplier les handicaps.

A un architecte qui venait de déclarer qu'il faudrait aller au plus pressé dans la reconstruction, Danny Laferrière a rappelé que la beauté est un besoin fondamental de l'âme humaine. Pour les mêmes raisons, il faudra accorder la plus grande attention à des institutions qui apparaissent comme des luxes, tel le Comité national paralympique, lequel organisait en octobre 2008 des Jeux qui ont rassemblé des participants de toutes les régions du pays.

Nous publierons bientôt sur ce site un article de l'ancien maire de Vancouver, Sam Sullivan, sur le thème Sport et appartenance. Nous serons à la veille des Jeux de Vancouver. Nous profiterons de cette occasion pour demander à nos amis de Vancouver d'apporter leur soutien aux Jeux paralympiques de Haïti. Et nous prenons l'engagement de suivre de près les projets de reconstruction pour nous assurer que les luxes vitaux n'y seront pas négligés.

 


 

Jacques Dufresne est éditeur de L'Encyclopédie de L'Agora. Fondateur de la revue Critère, chroniqueur à La Presse et au Devoir pendant de nombreuses années, il a organisé des colloques et des débats qui ont laissé leur empreinte sur la société québécoise. [Suite...]

Infolettre

Pour demeurer au courant des nouveautés du site, abonnez-vous à notre infolettre.
 

Commentaires

2010-04-19 10:46:58
Katia Bellisle
2010-04-19 05:28:31
Danielle Fisch
2010-04-12 07:54:47
annie grandmont
2010-04-06 13:16:27
Benoît Lemaire
2010-04-05 17:32:16
Eric Volant
2010-04-05 15:59:04
J-P Proulx
2010-04-04 17:41:23
Christian Duclos
2010-03-24 07:24:53