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Histoires

L'hospitalité de monsieur Potet

Jean-Louis Munn
  Monsieur Potet tirant Dominique dans les rues de Trosly pour son anniversaire   Arthur est un grand lapin bélier blanc avec de longues oreilles noires et molles qui reposent à moitié sur ses joues et à moitié sur le sol. Il habite une cage gigantesque pour un lapin de...
 
Monsieur Potet tirant Dominique dans les rues de Trosly pour son anniversaire  

Arthur est un grand lapin bélier blanc avec de longues oreilles noires et molles qui reposent à moitié sur ses joues et à moitié sur le sol. Il habite une cage gigantesque pour un lapin de son espèce. Un domaine à la mesure de l'importance qu'il revêt pour Dominique, son propriétaire et protecteur. « Qu'est-ce que je ferais s'il n'y avait pas d'Arches? Et, qu'est-ce qu'il ferait Arthur si je n'étais pas là ? » me demande Dominique sur un ton à la fois affectueux et pensif.

À l'été de 1998, alors qu'il s'apprêtait à partir en vacances et qu'il n'avait encore pu trouver personne dans son entourage pour prendre soin d'Arthur, comme la cigale de la fable, Dominique se trouva fort dépourvu. C'est ainsi qu'il alla frapper à la porte de Monsieur Potet, son voisin.

Monsieur Potet habitait une toute petite ferme au coeur d'un petit village du Nord de la France. Comme les autres villageois, le fermier avait vu d'un mauvais oeil la vente d’une grande villa au centre du village et sa transformation en une institution accueillant une quarantaine d'hommes «déficients mentaux». Et il n'avait pas compris pourquoi on laissait ces gens bizarres marcher librement dans les rues du village, ni pourquoi une année plus tard, on avait acheté tout près de sa ferme une autre maison destinée au même usage. Mais, contrairement aux autres villageois, Monsieur Potet ne s'était pas enfermé dans le silence et avait donné libre cours à sa rancoeur et à sa violence.

La mairie dut intervenir et limiter l’expansion des institutions. Un semblant d'équilibre revint dans les rues du village. Après plus de 20 ans de «co-habitation», la violence de Monsieur Potet était bien connue et il y avait belle lurette que le mot d'ordre avait été donné de ne pas réagir aux provocations verbales ou physiques incessantes du bouillant paysan de la rue d'Orléans.

Parfois, il s'en fallait de peu. Surtout lorsqu'il s'amusait à effleurer de l'une des roues de son tracteur ceux qui déambulaient en fauteuil roulant, heureux alors de les voir frémir de peur. Où le jour où il entra à l’improviste dans la grande villa, terrorisa les uns et finit par frapper à la tête un homme qui en perdit l’ouïe.

La peur avait creusé avec les années, de part et d'autre, un fossé immense et infranchissable. La petite ferme était à éviter. Au fil des ans, elle était devenue pauvre et délabrée. Il n'y restait que quelques poules, un vieux poney et un fermier solitaire, apparemment sans famille et sans amis.

Nul doute, nous aurions tous découragé Dominique d'aller frapper à la porte de Monsieur Potet si nous l'avions su. Car, c'est sans nous consulter que Dominique n'ayant trouvé personne pour s'occuper d'Arthur, son protégé, s'y rendit. Était-ce l'effet de surprise? Monsieur Potet se trouva-t-il pris de court? Fut-il attendri par Arthur et le discours de Dominique? Ou par son amour de fermier pour l'animal? Nul ne le sait mais Arthur se retrouva cet été-là chez le fermier Potet.

Nous qui vivions dans ce petit village, jamais nous n’aurions pu imaginer la scène d’anniversaire reproduite ici qu’un appareil photo a immortalisée! Dominique en costard dans une charrette tirée par monsieur Potet lui-même, tout joyeux et entouré d’amis, en pleine rue d’Orléans, au centre du village. 

Qui saurait dire au juste ce qui s'est passé entre les deux hommes? Dominique avait-il été naïf ou avait-il vu quelque chose chez Monsieur Potet qu'aucun parmi nous n'avait jamais vu ou même senti? Difficile à dire. Mais nous savons qu'il fut une époque où jamais monsieur Potet, malgré son indigence, n'aurait accepté notre hospitalité. Le génie de Dominique qui fit se briser le cercle de violence et d'agressivité, fut au contraire de donner enfin l'occasion à ce paysan, aussi démuni fût-il, d'offrir «son hospitalité».

Quelques années plus tard, monsieur Potet est mort. Quelques heures avant son décès, il a fait venir Dominique à son chevet afin de faire ses adieux à celui qui avait adouci les dernières années de sa vie.

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