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Histoires

L'accès à l'appartenance

Donna Thomson
Les journaux du Royaune uni de cette semaine sont remplis du chagrin exprimé par le public relativement à la mort d'un enfant de six ans gravement atteint de paralysie cérébrale et d'épilepsie. Ivan Cameron était le fils de David et Samantha Cameron. David Cameron est le leader de l’opposition officielle du parti conservateur.Tous les journaux et toutes les chaînes de télévision ont publié...

Les journaux du Royaune uni de cette semaine sont remplis du chagrin exprimé par le public relativement à la mort d'un enfant de six ans gravement atteint de paralysie cérébrale et d'épilepsie. Ivan Cameron était le fils de David et Samantha Cameron. David Cameron est le leader de l’opposition officielle du parti conservateur.Tous les journaux et toutes les chaînes de télévision ont publié une grande photo de Cameron embrassant tendrement la joue du jeune Ivan. Le coeur de la nation a été brisé dans cette reconnaissance collective de l'amour entre le père et son fils et bien évidemment, par la terrible perte de sa mort.

Personne n'a mis en doute le fait que Ivan était adoré par sa famille mais nombreux furent ceux qui semblaient se demander comment la chose était possible. Comment est-il possible d'aimer quelqu'un qui diffère si complètement de la norme habituelle? Les membres de la famille de PLAN n’auront pas oublié les photos de Tracy Latimer publiées dans les médias et surtout comment la représentation de ses nombreux handicaps amena un grand nombre de Canadiens à se questionner sur la valeur de sa vie. L'amour de la famille Cameron pour son fils, dont le public britannique fut témoin grâce à la publication de photos pleines de tendresse, semble avoir suscité, à retardement, une façon subtile de passer d’une incompréhension non dénuée de remords au soulagement de se sentir en règle avec sa conscience!

Mais ce n'est pas tout le monde qui a perçu la mort d'Ivan comme une leçon d'amour et de lien d'appartenance. Les journaux d'aujourd'hui racontent l'histoire de Cerrie Burnell, l’animatrice d'une série télévisée de la BBC destinée aux enfants, Do and Discover et Bedtime Hour. Cerrie est née privée de sa main droite et a choisi de ne pas porter de prothèse. À l’heure actuelle, la BBC est inondé de messages Internet désagréables provenant de parents en colère. The Guardian en reproduit quelques-uns: Un père déclare qu'il va interdire à sa fille de regarder ces émissions de peur que Burnelle ne fasse faire des cauchemars à sa fille. Un autre dit que cela pourrait effrayer les enfants et enfin un dernier, que ce n'est pas politiquement correct.
Burnell n'est pas particulièrement ennuyée par ce courrier haineux; elle dit que ces critiques ne sont pas une attaque personnelle et représentent le genre de discrimination auquel toute personne handicapée doit faire face.


Tout cela m'a fait beaucoup réfléchir sur la question de la valeur d'un humain et plus particulièrement sur celle que la société attribue aux personnes avec un handicap. Il semble que les Britanniques ont des vues ambiguës à ce sujet et je serais d'avis qu'ils sont loin d'être les seuls. La perception que le public a des personnes handicapées est liée à l'idée de leur contribution (entendons par là leur employabilité) et à une conception de la normalité physique et psychologique. La mort d'Ivan Cameron fut considérée comme tragique d’abord parce qu'il n'avait que six ans et surtout parce qu’il était adoré par son père qui se trouve être un personnage public.

Dans ma propre vie, les personnes que j'aime ont un large éventail de capacités et de différences. Mon fils de 20 ans, Nicholas est atteint d'une grave paralysie cérébrale et ma mère de 87 ans a besoin de soins quotidiens. Ma fille Natalie est à la recherche des conditions d’admission des universités qui offrent un programme en sciences de l'environnement et Jim, mon mari, est le Haut Commissaire du Canada à Londres. Le fil commun qui les réunit est mon amour pour chacun d'entre eux.

J'ai le sentiment que le public lettré de la Grande Bretagne comprend un peu mieux maintenant l'amour suscité par un enfant handicapé. Mais l'histoire de Cerrie Burnell est la preuve que nous avons besoin d’un code de la route, et même d’un GPS, pour apprendre comment créer et conserver une relation avec des personnes qui sont différentes. La réponse de Burnell aux lettres reçues par la BBc est qu'elle espère que cette controverse aidera d'autres humains à voir d’abord la personne et non son handicap.


Les réseaux de soutien aux personnes nous enseignent cette leçon, car c’est notre amour et notre sollicitude qui sont le coeur et la circulation sanguine de leurs fonctions vitales. Je n'ai trouvé qu'une seule définition qui rende compte de la valeur intrinsèque d'un être humain et cette définition est théologique. Hans Reinders, dans son livre de “Receiving the Gift of Friendship: Profound Disability, Theological Anthropology and Ethics” (2008) soutient que « la seule échelle de valeurs qui fait que les personnes avec un grave handicap ont un lien d’appartenance qui les fait les égaux de tous les humains, c’est leur capacité à recevoir l’amour de Dieu.

Les enfants, les nouveau-nés, les personnes âgées, celles avec un handicap – leur valeur est incontestablement définie par l'amour que nous leur portons. La valeur des personnes qui sont seules et isolées repose sur notre « potentiel » d'amour et de sollicitude. Je crois que Reinders a raison, mais ceux qui ne sont pas croyants n’ont qu’à poser leur regard sur la joue ronde d'Ivan que son père embrasse pour percevoir ce geste de tendresse comme un repère indiquant comment tout être humain peut accéder à l’appartenance.

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Jacques Dufresne

L'éditeur de L'Encyclopédie de L'Agora analyse l'actualité à travers le thème de l'appartenance.
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