Dans The Wayfinders, un ouvrage sur l'importance de la sagesse ancienne dans le monde moderne, Wade Davis décrit des merveilles de la nature canadienne, telles les sources de trois des plus belles rivières à saumon du Canada, la Skitine, la Skeene et la Nass et celles du plus long fleuve du pays, le Mackenzie. Davis, explorateur en résidence au National Geographic's, compare ces sources sacrées à celles du Mont Kailash au Tibet, de même qu'à celles du Gange, de l'Indus et du Brahmaputra, artères vitales pour des milliards de personnes.

Sources du fleuve Mackenzie, Grand Lac des Esclaves,

Territoires du Nord-Ouest, Canada

La plupart d'entre nous seraient bouleversés et horrifiés à la seule idée qu'on puisse souiller et polluer ces eaux. L'eau est une telle source de vie, de culture, de subsistance, de résilience, de plaisirs. Elle est une ressource naturelle qui ne devrait pas être réduite à une quelconque ressource destinée à être exploitée pour des raisons commerciales et égoïstes à court terme. Comme Davis le rappelle elle nous rend passible de châtiment dans cette vie ou dans l'autre.

Il est une autre source de vie qui est aussi sacrée, majestueuse, nourricière que ces rivières. On l'appelle l'appartenance. L'appartenance est cette force invisible, mais indispensable, qui nous relie aux autres, à nos familles, nos communautés, nos croyances, notre terre, notre univers. Toutes les formes de vie sont en cause. Cette force invisible, nous l'appelons lien vivant. L'appartenance n'est pas un geste, une activité, c'est un état. Nous appartenons à nos familles, nos maisons, nos religions, comme un organe appartient à un organisme, comme notre coeur appartient à notre corps.

Mais contrairement à ce qui se passe dans le cas des rivières, il est très difficile d'observer, de discerner les atteintes aux sources de l'appartenance. Comme nous le rappelle la chanson de Joni Mitchell: nous ne prenons conscience de la valeur des choses que lorsqu'elles nous sont enlevées. Nous nous réveillons un bon matin pour constater que le nombre de personnes âgées au Canada vivant seules est plus élevé que jamais ou que la solitude se répand dans notre société, réduisant un nombre croissant d'entre nous à un isolement dénué de sens. Ni les grands fleuves, ni les sources de l'appartenance ne peuvent être tenus pour acquis. Mais c'est à nos risques que nous ignorons les sources de l'appartenance.

C'est pourquoi quelques penseurs et quelques collègues, Jacques Dufresne de l'Encyclopédie de l'Agora, Nathan Ball, de l'Arche Canada et moi-même de PLAN, nous nous sommes réunis pour créer un nouveau type de site Internet, un site entièrement consacré à l'étude des divers aspects, des diverses facettes de l'appartenance. Du site appartenance-belonging, nous disons qu'il s'agit d'un site « lent », particulièrement destiné à ceux qui sont disposés à consacrer quelques minutes à lire, réfléchir, musarder, assimiler, rêver, méditer.

Parmi les sources d'appartenance, il y a les lieux, les valeurs d'appartenance, lesquels doivent beaucoup à la sagesse des poètes et des philosophes. Une large place est aussi faite aux actions qui inspirent et nourrissent l'appartenance de même qu'aux métaphores qui font jaillir un sens profond des brins d'herbe, des canaris dans les machines, de la greffe. Comment dans un contexte d'appartenance aussi large, ne pas tenir compte des éléments: l'air, l'eau, le feu, la terre ? De la convergence de ces catégories résultent ce que nous appelons « les sources sacrées de l'appartenance ».

Nous avons conçu notre site de façon à ce qu'il soit le reflet de nos racines dans les cultures anglaise et française du Canada. Il s'ensuit une adresse Internet dont la prononciation peut être difficile pour certains. Inscrire le site dans les favoris est heureusement une opération simple.

Plongez, faites un saut rafraîchissant dans les merveilles de la pensée lente. Vous découvrirez ainsi des liens étonnants entre le souci de l'environnement et le souci de l'autre. En terminant, voici deux citations, la première est de Jean Vanier, la seconde de Wade Davis :

« Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité. »

« Pendant la Renaissance et jusque tard à l'époque des lumières, nous avons, nous qui appartenons à la tradition européenne, libéré les esprits de la tyrannie de la foi absolue alors même que nous libérions l'individu de la collectivité, ce qui fut l'équivalent social de la scission de l'atome. Et nous nous sommes ainsi coupés d'intuitions relevant du mythe, de la magie, du mysticisme, et, peut-être, avant tout, de la métaphore. »'