Au centre de Magog, ville ouvrière de l’Estrie, située dans le voisinage du lac Memphrémagog, où se sont rassemblés les multimillionnaires du Québec, il existe une modeste établissement, à la fois tabagie et restaurant, fréquenté par les travailleurs du voisinage, qui y trouvent cuisine et chaleur maison. Ils pouvaient aussi y acheter leurs billets de loterie, jusqu’au jour où Loto Québec a retiré son permis aux propriétaires, ce qui a provoqué une chute des revenus tels que la survie de l’établissement fut menacée. Ce sont des maladresses, non des pratiques malhonnêtes qui avaient été la cause du retrait du permis. Ce qui a incité l’un des voisins à plaider en faveur des propriétaires en prenant l’engagement d’intervenir auprès d’eux pour que les maladresses ne se reproduisent pas. Quelques semaines plus tard, le représentant de Loto Québec rendait son permis à l’établissement. Un lieu créateur d’appartenance a été ainsi protégé grâce à la vigilance des premiers intéressés, les voisins et à la souplesse d’une grande organisation.
Cet exemple illustre la façon la plus simple, la plus naturelle et la moins coûteuse d’intervenir pour limiter la solitude : protéger les liens sociaux existant déjà. Mais encore fallait-il que l’un des voisins ait assez de compassion, d’énergie et de temps pour écouter les propriétaires et intervenir ensuite auprès du représentant de Loto Québec, ce représentant, il le connaissait, fort heureusement, parce qu'il l'avait rencontré dans l'une des associations dont il est membre actif. Ce citoyen exemplaire était lui-même le patron d’un autre établissement convivial : un petit salon de coiffure où l’on est admis, sans passer le test de la normalité, pour faire la conversation autant que pour obtenir une coupe de cheveux.