Le jardinage social n'est pas le jardinage en commun, mais une action sociale apparentée au jardinage biologique plutôt qu'aux techniques d'ingénierie et aux programmes étatiques. Il consiste à cultiver la résilience. La résilience, ce retour des réalités vivantes à elle-mêmes, est l'oeuvre de la vie. On ne peut donc pas la produire. On peut toutefois éviter de nuire à l'organisme ou au à l'écosystème où elle se produit. On peut aussi, dans le cas des sociétés humaines en particulier, agir sur les conditions de sa réussite par des actions délicates apparentées aux gestes du jardinier: préparer le sol, veiller à son ensoleillement, satisfaire son besoin d'eau, le nourrir, semer, planter, assurer le bon compagnonnage des plantes, émonder, sarcler et enfin embellir, car on ne vit pas seulement d'un jardin par les fruits qu'on en tire mais aussi par le regard qu'on tourne vers lui. Chacun de ces gestes du jardinage peut servir de métaphore pour une intervention sociale appropriée. Sarcler un potager, l'embellir en y harmonisant la taille et la couleur des plantes, n'est-ce pas l'équivalent de l'organisation d'une fête dans une communauté? Assurer le bon compagnonnage des plantes, n'est-ce pas l'équivalent de veiller à ce qu'il y ait des lieux d'appartenance diversifiés à proximité de chaque maison?
Les urbanistes comme Lewis Mumford ou Jane Jacobs ont pratiqué le jardinage social. Beth Porter nous le rappelle dans ce site: « Jacobs opta systématiquement pour des micro plutôt que des macro projets. Elle croyait fermement que si on se préoccupait d’abord des premiers, les seconds se développeraient d’eux-mêmes. Si on crée des quartiers sains, c’est toute la ville qui sera en bonne santé. Et les effets d’une ville en bonne santé s’étendront jusque dans des entités plus vastes. Elle croyait en l’existence d’un ordre naturel dans la communauté humaine. « Les grandes villes, soutenait-elle, sont naturellement génératrices de diversité et de prolifiques incubateurs de nouvelles entreprises et d’idées de toute sorte… .[car] dans les villes un si grand nombre de personnes vivent à proximité les unes des autres qu’on y trouve une grande variété de goûts, de talents, de besoins et de moyens de subsistance, et aussi d’idées farfelues».