Peu après la découverte de l'asepsie, bien des chirurgiens en salle d'opération se lavaient les mains mais omettaient de laver la surface à opérer. Les microbes n'ayant été chassés que d'un endroit sur deux, il s’ensuivait souvent des infections entraînant la mort des patients. La cohérence est la chose au monde la moins bien partagée. Elle semble être un idéal aussi difficile à atteindre dans les pratiques actuelles de développement durable que dans celles de la chirurgie d'hier. Pour limiter l'émission de gaz à effet de serre, nous réduisons un jour les taxes sur les petites cylindrées et le lendemain, pour stimuler l'économie, nous accordons une subvention aux grosses cylindrées participant à la course de Formule 1.
Ainsi incapables de relier deux situations semblables entre elles, comment donc pourrons-nous relever un défi qui met en cause l'ensemble de notre vision du monde ?
Une vision du monde c'est une idée formatrice qui touche dans son déploiement tous les aspects de la vie, comme le printemps touche toutes les plantes. D'une vision mécaniste soutenue par l'énergie fossile bon marché et favorisant la démesure dans la compétition, nous devons passer à une vision artistique soutenue par l'information et favorisant le sens de la limite dans la coopération.
Penser globalement ce n'est pas seulement prendre l'ensemble de la terre et de l'univers en
considération, c'est accroître la cohérence entre nos divers rapports avec cette terre et cet univers. Il faut
cesser de traiter les ressources de la terre comme de simples moyens mis à la disposition de notre
volonté de puissance. Soit! Mais sommes-nous sérieux si nous prétendons opérer cette conversion dans
nos rapports avec les sources d'énergie, tout en continuant de n'avoir aucun respect pour l'humus du sol et tout en pratiquant des sports où notre corps n'est qu'un outil au service d'une volonté elle-même
asservie au culte du record?